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Le rachat de Bouygues Télécom par Orange n’aura pas lieu
Ils étaient prêts, et patatras. Martin Bouygues a décidé de jeter l'éponge, le rachat de Bouygues par Orange annoncé depuis plusieurs semaines n’aura pas lieu.
Le groupe industriel nous a confirmé l'information publiée ce vendredi par le Figaro.fr, alors que les deux patrons de Bouygues et Orange, Martin Bouygues et Stéphane Richard, devaient se revoir cet après-midi pour tenter de trouver une issue à ce qui apparaissait pour certains comme « une torpille » contre l’opération de rapprochement. Ils ont finalement constaté l'impossibilité de trouver un accord.
Pourtant, il y a cinq jours encore, l’ensemble des opérateurs de téléphonie fixe et mobile étaient tombés d’accord, à quelques détails près, sur le partage des actifs de Bouygues Télécom (antennes, fréquences, clients, boutiques...) entre Free, SFR-Numéricable et Orange, rendant ainsi possible le rachat de la filiale de Bouygues par Orange, sans risquer une opposition de l’Autorité de la concurrence. Mais depuis cinq jours et de nouvelles exigences du ministre de l’Economie, Emmanuel Macron, le deal n’a jamais été aussi près... d’échouer.
Des exigences « inacceptables »
Ces nouvelles exigences de Bercy ont inquiété jusqu’à l’Elysée et Matignon. Alors que Martin Bouygues devait recevoir en rémunération de la cession de sa filiale 12 à 15% des actions d'Orange, Emmanuel Macron a exigé que le vendeur soit payé en liquide puis, dans un deuxième temps, rachète des actions d’Orange qui lui seraient réservées dans le cadre d’une augmentation de capital, à hauteur de 12% maximum. Bercy voulait ensuite que Bouygues paie ses actions Orange autour de 20€ quand la côte en fin de journée ce vendredi était à 15,25€. Cette hausse de 30% est jugée « inacceptable » par un proche du dossier qui note « un raidissement récent » de Bercy sur ce dossier.
Emmanuel Macron y a pourtant ajouté une autre condition, aussi jugée inacceptable : interdiction d’augmenter sa participation au capital d’Orange durant... 7 ans, histoire de préserver la position majoritaire de l’Etat. Le coup de grâce est tombé lorsque le ministre a exigé l’interdiction, pour le nouvel actionnaire, de faire jouer son double droit de vote, contrepartie du rachat au prix fort des actions, et ce pour une durée de 10 ans. Il n’en fallait pas plus pour agacer au plus haut point le patron bâtisseur, plutôt sympathisant du ministre de l'Economie jusque là. Martin Bouygues a tiré la sonnette d’alarme à l’Elysée et Matignon qui, depuis, dans la coulisse, tentaient d’arrondir les angles et de recoller les morceaux.
Un enjeu à cinq milliards minimum
Si Jean-Pierre Jouyet, conseiller spécial de François Hollande, et le cabinet de Manuel Valls ont pris le téléphone pour appeler Bercy, c’est parce qu’il y avait péril économique. Selon nos informations, une note interne des services de Bercy fait un bilan financier et économique de la fusion Orange/Bouygues, pour l’Etat. Ses conclusions sont très positives : entre la valorisation d’Orange dont l’Etat est actionnaire à 23%, la hausse des dividendes attendue, le produit de la TVA d’un marché qui ne va pas manquer de croître après la fusion, les impôts sur les sociétés payés par les opérateurs dont le chiffre d’affaires devrait progresser de 2 à 5% par an... c’est entre 5 et 10 milliards d’euros sur cinq ans qui pourraient rentrer dans les caisses de l’Etat grâce à cette fusion. A eux seuls, les dividendes supplémentaires perçus d’Orange pourraient grossir de près de 2 milliards en cinq ans. C’est dire l’enjeu pour l’Etat qui ne peut s’offrir le luxe de passer à côté de telles ressources.
Emmanuel Macron, soupçonné de rouler pour lui
« Il a en ligne de mire 2017 », « Macron roule pour lui »... Les commentaires ne sont pas tendre avec le ministre de l’Economie qui a toujours défendu la place de l’Etat dans le entreprises où il est actionnaire. Mais il semble qu’en prenant le risque de faire capoter le rachat de Bouygues par Orange, Emmanuel Macron soit allé un peu loin. On le soupçonne déjà de vouloir « donner des garanties à la gauche du PS en vue des présidentielles ».
Encore quelques grains de sable
Restaient cependant quelques « détails » importants qui, explique-t-on chez Bouygues, ont achevé de convaincre Martin Bouygues de mettre un terme au processus de fusion. D’une part, concernant Free, des garanties de non casse sociale en échange de la reprise des boutiques, garanties qui se faisaient attendre. D’autre part, Bouygues voulait se protéger contre le risque qu’au bout du compte, lorsque l’Autorité de la concurrence se prononcera sur cette fusion -d’ici 12 à 18 mois- l'opération capote, laissant Bouygues exangue. Or, selon nos informations, Xavier Niel, patron de Free, aurait introduit plusieurs clauses suspensives dans la négociation qui lui permettaient de faire marche arrière à tout moment et de faire capoter le rachat. Un risque supplémentaire que n'a pas voulu prendre le patron du BTP qui va donc poursuivre sa stratégie du «stand alone». Sauf coup de théâtre durant ce week-end.
Les opérateurs étaient tombés d'accord sur le partage des actifs de Bouygues
Selon nos informations, Free était prêt à mettre entre 2 et 2,5 milliards sur la table pour reprendre la clientèle des abonnés de Bouygues à l’internet fixe, une partie de son réseau d’antennes mobiles ainsi que les boutiques dont l’opérateur est propriétaire. Moyennant 3 à 3,5 milliards d’euros, SFR de son côté était preneur d’une partie de la clientèle grand public, des clients pros et de certaines fréquences, indispensables pour étayer son réseau 4G-4G. Orange, enfin, conservait les abonnés mobiles haut de gamme, certains abonnés à l’internet fixe, et des fréquences.
lp